Le Dernier Magicien - Megan Lindholm
Le Magicien connait Seattle comme sa poche, il sait où il peut boire un café sans être remarqué, ne pas dormir dehors, et survivre à chacune des journées avec moins de 1 dollar en poche.
Le Magicien n'est pas un clochard, il est une sentinelle.
Il veille sur Seattle en écoutant les comptines des enfants dans les parcs, en discutant avec les crânes dans le formol, en nourrissant les pigeons et en répondant à la magie, à la Connaissance lorsque elle se manifeste à lui. Des inconnus, s'asseyent à côté de lui sans le voir et vident leur cœur.
Alors il sait. Il sait quoi dire. Il sait quoi leur dire.
Pourtant, ce matin, la diseuse de bonne aventure de bois le met en garde, un danger plane sur Seattle, un danger qui le cherche, lui. Un danger qui a pour nom Mir...
Je relis Le Dernier Magicien pour la première fois.
J'en avais gardé un excellent souvenir. De ces romans qu'on aime tellement qu'on les lit trop vite, l’œil dévorant les lignes, capté par cette histoire où tout n'est qu'esquissé et pourtant dont on pressent qu'elle contient quelque chose d'essentiel.
Or Megan Lindholm a un talent hors-pair pour décrire un paysage intérieur, le dialogue de l'être avec lui-même, ce discours permanent de la conscience et les ruses de l'esprit. Cette petite musique intérieure.
Et si, sous le pseudonyme de Robin Hobb, elle use et abuse de cette plume entêtante, circulaire, ratiocinante dans des sagas fleuves, Megan Lindholm livre ici un roman parfaitement équilibré. Le style de M Lindholm épouse la transformation progressive du Magicien dans sa confrontation avec Mir. Dans la scène d'exposition, formidable premier chapitre qui rend tangible la magie de Seattle, une magie du quotidien. La magie des mots et de la littérature. Jusqu'à la fulgurance et la violence d'une unique conversation téléphonique qui permet de revisiter (ou pas...) tout ce qui précède.
Le Dernier Magicien, loin d'être d'un roman de fantasy ou de fantasy urbaine comme il souvent présenté, est avant tout un grand roman fantastique. Placé sous la double influence du Horla de Maupassant et de L'Oreille interne de Silverberg, Le Dernier Magicien est le roman sur la perte d'un individu. Un roman fantastique sur l'enfermement et la libération intérieure (ou l'inverse) qui met l'art littéraire au service de son histoire. Un roman doublement fantastique car l'indécidabilité du texte est sa plus grande force.
Une lecture hautement recommandable, donc.
À qui l'offrir ?
- à soi d'abord ;- à tous ceux qui disent "pff, la sfff, c'est pas de la vraie littérature" pour leur clouer leur bec.
- pas avant l'âge de 15 ans.
Pour prolonger la lecture :
Si vous avez aimé Le Dernier Magicien, vous aimerez peut-être...l'Assassin Royal de la même Robin Hobb pour l'introspection et le dialogue intérieur du personnage (les 6 premiers tomes suffisent) ;
L'Oreille interne de Robert Silverberg (lorsque un éditeur digne de ce nom se décidera à le retraduire). Le personnage principal, télépathe depuis toujours, se rend compte qu'il perd progressivement son pouvoir. Un roman sur le sentiment de la perte et la difficile acceptation de notre humaine condition. Ce qu'est devenir adulte et commencer à mourir.
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