Le photographe - Guibert - Lefèvre - Lemercier



J'ai menti.

J'ai dit que personne ne m'offrait de livres. A Noël, Camille et Vincent m'offrent une bande dessinée. Cette année, ce fut Le photographe du trio Lefèvre, Lemercier et Guibert.

Cela faisait quelques années que les trois tomes me faisaient de l’œil. Pourtant je ne les empruntai pas en médiathèque, probablement réticent du fait de couleurs de couverture un peu tristes. C'est un peu ridicule, je sais, mais la colorisation est pour moi une part indéniable de l'attrait de la BD (pas la seule, tant s'en faut).

L'histoire : Didier est photo-reporter. En plein conflit soviético-afghan, il décide d'accompagner une caravane de MSF. Les trois tomes sont l'histoire, les histoires de sa participation à cette mission.

La première impression est de se retrouver au milieu de Tintin au Tibet. L'usage de la ligne claire et la filiation graphique me semblent évidentes. Pourtant, bien loin de l'aventure épique à la Hergé, le propos des auteurs est de relater les souvenirs de Didier. Souvenirs basés sur ses carnets de notes, mais certains sont manquants, souvenirs qui s'appuient sur une remémoration à plusieurs années d’intervalles. Souvenirs qui complètent l'énorme documentation photographique de Didier (ou l'inverse ?) Très peu de photos sont publiées suite à un tel reportage découvre-t-on. Car Le photographe, s'il est le récit de la participation de Didier à cette mission, est avant tout un portrait d'homme.
Portrait professionnel en premier lieu : on découvre la réalité d'un métier et comment cet homme l'incarne, comment il le vit. C'est ainsi un portrait humain en creux : on ne sait finalement que peu de choses de Didier, l'homme. On le découvre par ce qu'il ne dit pas, par ses silences et ses non-dits. Si jamais aucune allusion n'est faite ni ne peut le laisser penser, je n'ai pu m'empêcher d'imaginer un amour silencieux, non-dit (?) entre Didier et Juliette, la responsable de la mission. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est pour moi une évidence à la lecture. Est-ce l'expression de mon imaginaire, de celui du scénariste ? des cadrages du dessinateur ? de sa compréhension des souvenirs de Didier ? de confidences ? de non-dits ? Impossible de le savoir.
Et finalement ce n'est pas très important. Ce qui l'est c'est, somme toute, de créer une œuvre de fiction puissante qui interroge le réel par le détour de la fiction. Un dispositif très fort avec l'insertion des planches-contacts de Didier au sein de la BD.
Demi-vérité, demi-mensonge, témoignage de la réalité d'une guerre sale et d'un pays à l’extraordinaire beauté minérale. Œuvre de fiction vraie sur la solidarité entre les hommes malgré des abimes civilisationnels, Le photographe est une œuvre référentielle. Étienne Davodeau reprend dans Les ignorants le dispositif ébauché dans Le photographe : Didier se rendait compte que son travail a aussi beaucoup à voir avec celui des médecins qu'il accompagne, Davodeau se fait l'apprenti d'un viticulteur qui, lui, découvre la bande dessinée. Davodeau et son comparse iront rencontrer deux des médecins du Photographe devenus viticulteurs. Rares sont les humains devenus personnages de BD dans deux œuvres différentes ! On y apprend que Didier est décédé en 2007.

Un chef d’œuvre tout simplement.
Merci C. et V. !

Le site dédié à l'ouvrage.


A qui l'offrir

- à tout le monde dès 15 ans.

Pour prolonger la lecture
Si vous avez aimé Le photographe vous aimerez peut-être :



- Les ignorants d’Étienne Davodeau. Si l’œuvre est passionnante et témoigne d'une grande générosité, j'ai pour ma part un problème avec le dessin de Davodeau. Donc avis mitigé, mais en même temps il s'agit en quelque sorte de la suite du Photographe.

- Paroles de poilus interroge la condition de l'homme en guerre, même si les partis pris graphiques et narratifs sont très différents



Commentaires

  1. Je te comprends, pour moi également la colorisation est importante, elle participe tout de même à 'atmosphère de la BD ! :)
    En tout cas, elle a vraiment l'air très intéressante cette BD ! J'espère pouvoir la trouver dans la médiathèque de ma ville !

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  2. Je ne doute pas que tu puisses la trouver : elle est peut être avec d'autres couvertures en trois tomes ! Bonne lecture ! (bon ça manque quand même un peu de couleurs...)

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