Le passager - Jean-Christope Grangé





J'ai déjà dit le peu de bien que je pensais des productions de JC Grangé. Que ce soient les adaptations cinéma avec le ridicule Empire des Loups, de l'improbable Rivières pourpres qui m'a dégouté à tout jamais des films de serial killer après l'ignoble travelling de générique de début ; ou que ce soient les romans qui m'ont laissé plus que perplexe. A la décharge de l'auteur, je ne suis pas un fan de polar et je n'ai pas la fascination des scènes de tortures. Donc les Seven, la série des Hannibal Lecter, tant au cinéma qu'en littérature, les livres de Maxime Chattam, Brigitte Aubert, tout ça très peu pour moi...

C'est donc avec plus que des réticences que j'ai entamé la lecture du Passager que ma copine C. m'a mis entre les mains.

L'histoire : Matthias Freire est psychiatre à Bordeaux. Une nuit la PJ lui amène un cow-boy amnésique retrouvé dans la gare, à proximité d'un cadavre mutilé en une parodie de mythe grec. Anaïs Chatelet est en charge de l'enquête sur ce cadavre. Entre l'inspectrice, héritière d'une ascendance trop lourde à porter, et le psychiatre en fuite de lui-même pour cause de faute déontologique, se noue une très étrange relation. Les crimes mythologiques se succèdent et chacun mène son enquête, l'une sur le plan judiciaire, l'autre sur le plan psychiatrique. Anaïs sera obligé de se confronter au démon paternel, Matthias va découvrir des choses surprenantes sur son propre passé...

Alors là je dois dire que ce fut une surprise ! Je n'ai rien vu venir.

Il faut dire que la construction est habilement montée. Le roman subit un revirement total à la page 171, un revirement qui va lui donner un tour inattendu. Bien loin d'écrire une enquête linéaire, le romancier met en place un dispositif en poupées russes (il est difficile d'en dire plus sans spoiler).
Alors bien sûr, quelques défauts : une écriture simple voire simpliste, l'irréalisme de certaines scènes (une fuite improbable à Nice) et une fin bâclée. Du point de vue de l'éditeur, trop de coquilles subsistent et même des défauts d'impression ne justifient pas les 25 euros de l'objet.
Mais quelle histoire ! Louchant vers Philippe K. Dick ou Christopher Priest sur la question du trouble de l'identité sans en avoir la virtuosité cependant, Le passager est une très agréable surprise d'un auteur qui n'est pas ma tasse de thé. Un roman peut-être un peu trop rempli, boursouflé : des amnésies enchâssées, un tortionnaire français en Amérique du sud, un tueur mythologique, des scènes fulgurantes sur la vie des SDF à Paris, des héritages familiaux douloureux, une société pharmatico-para-militaire infiltrée à tous les niveaux de l'état...Toutes les idées ne sont pas abouties et c'est dommage. On imagine ce qu'aurait pu être la somme de toutes ces idées dans les mains du Maurice Dantec des Racines du mal ou du Dan Simmons d'Hypérion par exemple. Mais en même temps l'arc narratif principal est bien tenu et donne un roman original dans un genre hyper-balisé.
Bref un roman parfaitement distrayant, plutôt original malgré une écriture un peu convenue, qui aurait pu être un très grand roman. Il ne lui manque qu'un petit quelque chose. En tout cas, cela m'a réconcilié (un peu) avec JC Grangé. Ce n'est pas rien.

Tu avais raison C. de me le mettre entre les mains ce polar !


À qui l'offrir

- à ceux qui veulent s'initier à Christopher Priest ou à Philippe K Dick


Pour prolonger la lecture



Matt Ruff, La proie des âmes : dans un ouvrage très maitrisé, Matt Ruff traite de la fragmentation de l'identité. Passionnant.

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