Rétro-futur ! - Raphaël Colson (dir.) / Steampunk ! - Étienne Barillier





J'ai acheté Rétro-futur ! il y déjà deux mois. Et je cale.

Pourtant, tout avait bien commencé. (flashback)
 
Il y a deux ans, Les Moutons électriques font paraitre dans leur incomparable collection "Bibliothèque des Miroirs", Steampunk! d'Étienne Barillier (ne cherchez pas, il y a toujours un point d'exclamation à leurs titres). Cette très belle collection propose des essais sur les genres qui ont ma faveur : SF, fantasy etc.
J'en ai déjà parlé .
Le format carré est plutôt sympathique, les couvertures attrayantes et les sujets rarement traités. Bref que du bonheur, comme on dit trivialement.




Steampunk! remplit parfaitement sa mission : faire découvrir principes et expressions de ce qui est avant tout une esthétique. Le steampunk, bêtement traduit par "voyou-vapeur", se diffuse dans les modes d'expression littéraires mais aussi cinématographiques et ludiques. Il se traduit par un décorum d'inspiration victorienne le plus souvent, ou Belle Époque pour la France, mais où la technologie aurait continué à évoluer sans effectuer le saut de l'énergie pétrolière. D'où machineries et dirigeables, automates et monocles au menu. Et Steampunk! d'analyser, d'inventorier, de présenter la vie de l'esthétique steampunkienne dans toutes ses manifestations sommes toutes assez marginales, mais réjouissantes pour ceux qui, comme moi, succombent à son incomparable séduction.
Ainsi, par exemple Johan Héliot dans le premier tome de sa trilogie de la lune (La lune seule le sait) raconte l'arrivée d'un peuple extraterrestre en plein règne de Napoléon III lui assurant l'immortalité et asservissant ses ennemis, dont Louise Michel, au bagne sur la lune, que le héros de l'ouvrage, un Jules Verne mandaté par Victor Hugo, tente de délivrer... Divergences temporelles et dépaysement garantis.


Et Steampunk! de s'achever sur un teaser implicite. Le steampunk n'est en lui même qu'une sous-catégorie d'un plus grand ensemble, le rétro-futurisme.
Pour ceux qui suivent les publications de ladite collection (ici et ), les Moutons électriques annonçaient depuis longtemps la parution à venir de Rétro-futur ! C'est désormais chose faite.

Le rétro-futurisme c'est le grand ensemble littéraire et artistique dont l'objet est l'exploration des représentations historiques du futur : comment imaginait-on l'an 2000 en 1927 par exemple, ou en 1950 ? On s'aperçoit ainsi que ces représentations sont le lieu d'expression des enjeux de leurs époques et sont passionnantes à découvrir.
Mais elles sont surtout un extraordinaire terrain de jeu et d'écriture pour les écrivains de littérature de l'imaginaire depuis l'apparition du cyberpunk. Quezaco ?
Le cyberpunk est la dernière grande esthétique SF américaine : elle est celle qui irrigue des films comme Blade Runner ou, ultime avatar en date, Matrix. Développée à l'origine dans des ouvrages tels que Neuromancien ou Mona Lisa s'éclate, par William Gibson (écrivain illisible selon moi -comme ça c'est dit), elle exprimait un futur déglingué, privatisé par les grands groupes économiques, ultra-pollué, où la loi de l'individu le plus fort règne, bien loin des utopies de l'age d'or de la SF.

  
Gibson a pour sa part d'abord voulu penser le cyberpunk (même s'il ne l'a jamais pensé comme un mouvement, c'est Bruce Sterling dans l'anthologie Mozart en verres miroirs qui le fait), comme un lieu d'expérimentations littéraires. Comme on dit "sans moi", parce que le plus souvent, ces livres me tombent des mains.
La réalité ayant malheureusement presque rattrapé, voire sur certains aspects et dans certains lieux, dépassé la fiction, l'envers du cyberpunk, c'est-à-dire le steampunk et plus généralement le rétro-futurisme, traduit la mélancolie et la possibilité de mondes qui n'ont pas été, mais qui auraient pu être si le cyberpunk n'avait pas imposé son écrasante quasi-réalité.
Le rétro-futurisme apparait comme autant d'univers connus ou pressentis (qui-auraient-pu-être), et pourtant inexplorés, permettant de contourner le cyberpunk quasi quotidien. Notre monde ressemblant de plus en plus, et à vitesse grand V, aux mondes décrits par le cyberpunk, explorer des futurs alternatifs, est en soi parfaitement réjouissant et distrayant, d'où le succès d'estime des ouvrages rétrofuturistes et steampunkien. Le plaisir de la reconstitution, à l'image des films historiques, s'enrichit de la liberté de pouvoir tordre un peu l'exigence de cohérence temporelle : on peut se faire le plaisir d'un décor et de situation victorienne en l'agrémentant de machines diaboliques, impensables pour l'époque par exemple. Le plaisir du lecteur est autant de l'ordre de la reconstitution que de la découverte de ces décalages temporels.

Alors pourquoi je cale ?
Parce que moi, d'abord : les développements relatifs au monde du jeu vidéo et des gamers en général (RPG) sont très présents. Cette esthétique irrigue ces mondes là et je n'en fait pas partie, cela ne m'intéresse pas. Ce n'est pas la faute des Moutons, c'est juste mon goût, enfin, mon absence de goût pour l'actualité du jeu de rôle et du jeu vidéo.
En revanche, il manque toujours un bon relecteur aux Moutons. Si des efforts visibles de "décoquillage" ont été faits (saluons-le, on est loin, très loin, de l'indigne et pourtant passionnant Space-opéra !), il manque à l'ouvrage une relecture plus exigeante. On ne demande pas Baudelaire non plus, mais tout de même, pour 25 euros, on peut attendre plus d'exigences stylistiques, même dans un essai.
Sur la forme : je m'interroge sur la pertinence du format carré et de la disposition du texte en double colonnes. Le format carré c'est beau, mais c'est petit. Or, quand on met de grandes illustrations, il ne reste pas beaucoup de place pour un texte dont la police est un poil trop grosse. Et le texte est en deux colonnes. Résultat : pas beaucoup de mots par lignes, des césures et des espaces justifiantes mal gérées. Et les gros pavés blancs, ça tire l'œil, beaucoup. Trop.
Enfin, si je peux parfaitement comprendre un ouvrage en noir et blanc du fait de contraintes budgétaires, l'insertion des cahiers de couleurs finaux sont faits dans une logique qui m'échappe.

Bref comme d'habitude, malheureusement, un manque de finition qui fait dire : dommage.

À qui l'offrir ?

- aux fans de la collection ;
- à ceux qui aimeraient porter des redingotes.

Pour prolonger la lecture :

Si vous avez aimé Steampunk !, vous aimerez peut-être :

- Bohème de Mathieu Gaborit, dont j'ai déjà parlé ici, ou Confessions d'un automate mangeur d'opium ;










Si vous avez aimé Rétro-futur !, vous aimerez peut-être :

- Guerre aux invisibles de Eric Frank Russell. Dans ce roman de SF mené tambour battant (le héros lutte contre les Vitons une race qui élève l'humanité comme un troupeau pour se repaitre de leurs émotions) toute une esthétique rétro-futuriste est à l'œuvre : gyroscopes et chapeaux mous réjouiront les fans de perceptions un peu surannées.






Si vous aimez les deux, La trilogie de la lune de Johan Héliot est toute indiquée.

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