Un léger bruit dans le moteur - Munoz, Luciani et Gaët's





L'histoire : je suis un petit garçon et je tue des gens.

Par un résumé aussi lapidaire, on comprend qu'Un léger bruit dans le moteur reprend la thématique de l'enfant comme figure du mal. Si "le jeune" est une récurrente figure de l'inquiétude depuis l’Égypte ancienne et tout au long de l'histoire jusqu'à son ultime avatar (le "jeune de banlieue"), il n'est que rarement l'incarnation du Mal à proprement parler. On trouve certaines exceptions dans plusieurs films d'horreurs/fantastique des années 70 (Le village des damnés, L'exorciste, La malédiction...) en y téléscopant le topos de l'ennemi intérieur (promis à une jolie postérité ). À chaque fois, l'enfant maléfique incarne une rupture dans l’ordre du monde (du point de vue moral et/ou spirituel en fonction des orientations de l'auteur), une anomalie à combattre, guérir ou sauver.

Ici rien de tout cela. Dans un hameau abandonné, qui n'est pas sans faire penser au Wollanup du Cul de sac (ou Piège Nuptial) de D. Kennedy, la laideur se le dispute à l'ignominie. Les quelques familles qui vivent ici, outre leur laideur physique, sont des ordures pédophiles, violeurs, racistes, salauds et meurtriers. Ils sont, au mieux, fous ou abrutis. Il n'y en a aucun pour rattraper l'autre, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. C'est une vision crasseuse, apocalyptique et désespérée de l'humanité que nous donnent à voir Munoz, Luciani et Gaët's. Le problème réside en ce qu'il s'agit d'une vision a priori. Le petit narrateur n'est qu'un monstre de plus, et même pas sympathique. Pourtant, comme lecteur je peux accepter plein de salauds et de monstres, je peux même m'attacher à certains si l'auteur fait bien son travail en donnant à voir une fraction de la complexité de l’âme humaine (la littérature et le cinéma en regorgent).
Ici rien de tout cela, la noirceur est un préalable qui est déroulée telle un jeu de massacre, sans contrepoint. Or comme en plus l'alchimie ne prend pas avec le personnage principal qui ne vaut pas mieux que les autres, c'est avec un dégoût grandissant que j'ai tourné les pages. Car ce personnage n'évolue pas non plus, il applique son programme assassin avec une roublardise somme toute assez peu enfantine et donc improbable. Monstre d'égoïsme, d'égocentrisme inapte à toute vie sociale, à toute empathie, il ne se distingue finalement pas des ordures qui l'entourent. Il est plus fort que les autres, c'est tout. On est face à une histoire darwinienne au pire sens du terme, mais une histoire qui n'apporte pas grand-chose à son lecteur sinon un dégoût et une interrogation : qu'est ce que cette lecture m'a apporté ? Je n'en sais toujours rien.
Malheureusement pour cet ouvrage, je n'ai pas non plus aimé le dessin (à l'exception d'une très belle couverture), je ne vois pas grand chose à sauver d'une bande dessinée dont la noirceur absolue, et à mon sens, gratuite, l'abime plus qu'elle n'en fait la force.

Un avis complètement opposé au mien ici.

Il a même eu un prix.


À qui l'offrir ?

- à votre voisin qui laisse son chien aboyer constamment ;
- aux incurables optimistes.


Si vous aimé Un léger bruit dans le moteur, vous aimerez peut-être...


- Le texte original de Luciani, la présente BD en est l'adaptation. Je ne suis pas sûr (!) d'avoir envie de le lire...




- Piège nuptial de Douglas Kennedy (anciennement nommé Cul de sac). Noire, terrifiante et drôle aventure d'un américain séquestré par un village de fous, oublié au fin fond de l'Australie.




- La même histoire adaptée par Christian de Metter, je n'ai pas non plus accroché sur le dessin et la nécessaire adaptation dilue l'impression d'enfermement du personnage.

Commentaires

  1. Bon celle-là ne me fait pas envie mais pour le coup j'irai bien à la biblio me chercher quelques BD.

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  2. Je te suggère de regarder les quelques chroniques BD ici afin de trouver ton bonheur !

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