L'altérité : de qui souffrez-vous ? - Jean-Michel Oughourlian


Dans ce court essai, Jean-Michel Oughourlian nous propose une synthèse de sa conception du travail thérapeutique à l'aune d'un parcours professionnel riche en découvertes.

Pour rappel, JM Oughourlian est neuropsychiatre et a collaboré aux publications de René Girard relatives au désir mimétique. La découverte des neurones-miroirs a conforté ses thèses.

Pour aller vite, l'auteur expose dans ses différents opus l'idée que le Moi est labile, fluctuant, généré par le désir mimétique. Le Moi passe son temps à se reconstruire en fonction de la circulation de ce désir tout en se dissimulant l'existence de ce dernier et sa propre impermanence, sa liquidité. Ainsi, la personnalité semble n'être qu'un jeu de costumes que la Culture nous pousserai à endosser, au gré des fluctuations des situations, des rencontres et des choix que nous faisons (mince mais ultime liberté, selon l'auteur). Cela n'est pas sans faire penser à L'homme-Dé de Luke Rinehart ou encore à Une logique de la communication.

La première partie de l'ouvrage est cependant la moins réussie car l'auteur égrène ses ouvrages antérieurs comme autant de rappels, parfois un peu agaçants car il se dispense souvent des explications qu'ils appellent. Si l'écriture avait été à la fois plus resserrée et plus dilatée, le propos en aurait été autrement valorisé. Mais le texte est trop court et semble mal étreindre l'ampleur du propos. Il apparait plutôt comme une synthèse des travaux antérieurs de l'auteur à ce stade de la lecture. 

Et puis le texte s'installe dans la deuxième partie, l'auteur et le lecteur également et, progressivement JM Oughourlian nous en donne plus, brossant une histoire de la civilisation vue à travers le filtre du désir mimétique. Celui-ci apparait comme la grille de lecture, adaptée à notre temps, des relations interpersonnelles et de leur complexité. Il analyse également la fluctuation des formes que la Culture a engendré pour les penser au fil des siècles, envisageant ainsi le texte platonicien puis biblique, la sorcellerie et la possession de Loudun, Dostoïevski, le cinéma de Clouzot ou de Cocteau, Brigitte Bardot et Laurent Gerra. Rien que ça.

Pourtant loin de se faire aussi grosse que le bœuf, la thèse d'Oughourlian est fascinante et on ne peut que regretter qu'il la brosse aussi cavalièrement. Bref il manque 200 pages, pour le moins ! Pour le coup, je vais me plonger dans la lecture des ouvrages antérieurs de l'auteur.

Ce qui, ma foi, est chez moi un compliment.


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