La loi du marché - Stéphane Brizé



 
Trois posts un même jour, le blogueur n'est plus à une contradiction près...

Un film étouffant.

Ouverture à Pôle Emploi, sans générique. 
La caméra alterne entre Lindon et le conseiller dans un très long plan-séquence (technique utilisée plusieurs fois, qui n'est pas sans faire penser au dispositif du Délits Flagrants de Depardon). La violence de l'institution sur l'individu s'y affiche dans toute son obscénité.
Le film pourrait n'être qu'une dénonciation du capitalisme et de ses ravages, à l'image d'un cinéma social assez convenu.
Mais le propos de Stéphane Brizé n'est pas de montrer ce que fait le libéralisme, mais ce qu'il nous fait faire. Comment il rend les victimes complices de leur aliénation, bourreaux et gardiens d'un système sans espoir.
Vincent Lindon campe un chômeur taiseux devenu vigile de supermarché. Dans la scène-clé du film, son collègue plus expérimenté lui montre comment repérer les voleurs potentiels avec les 80 caméras du supermarché. La voix devient off par-dessus caddies et individus choisissant leurs produits. Chacun devient un suspect potentiel sans distinction de couleur, d'âge ou de classe sociale.
Et fasciné par la puissance panoptique, je me suis surpris à chercher à anticiper le geste voleur pour mieux l'identifier. Comme un jeu.
Stéphane Brizé nous rends complices de l'effrayante banalité d'un système qui nous fait les gardiens d'un système du tous contre tous. L'abjection du libéralisme.

Pendant ce temps, la caméra ne lâche pas le visage de Vincent Lindon. L'acteur est le vrai sujet du film. Brizé le scrute à chaque instant, comme un thermomètre en surchauffe. Tous les autres sont à la périphérie, quasi hors-champ. Son visage est ici poreux et résistant. Si Lindon joue la même partition de film en film, il l'érige ici à un niveau d'humanité universelle.

Un homme tout simplement.

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