Le dernier Templier - Raymond Khouri




Oui, je sais, c'est pas bien... J'aurai pas dû [sur un air de Les Bétises de Sabine Paturel, seuls les plus de 35 ans comprendront]. J'y ai cru pourtant, J'avais abaissé mes critères, je m'étais mis en mode "lecture simple" en me disant que j'allais gratter cette partie un peu honteuse mais qui fait tellement du bien. Comme lorsque on tombe dans le pot de pâte à tartiner, qu'il ne faudrait pas, mais que Merde ! c'est trop bon, même si c'est trop sucré. Vous voyez ?
R. Khoury est à la littérature ce que le Nutella est à la gastronomie. Une sorte de point aveugle.

Il faut dire que tout avait bien commencé... En empruntant à ma médiathèque préférée (spéciale dédicace aux bibliothécaires) une DaVinciConnerie, je me livrais à un de mes vices les plus pervers.

Je m'explique.

Si vous m'avez lu, non pas en large et en travers mais sur quelque posts au moins, il est clair pour vous que la religion... comment dire... Karl Marx est un croyant et Michel Onfray un jeune catéchumène à côté de moi. Pour préciser les choses, que ce soit bien clair entre nous (pour les malcomprenants, dans le fond), disons que je trouve que le Traité d'athélogie dudit Onfray s'arrête là où il devrait commencer. Qu'il ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes sur la religion avant de s'arrêter face à l'Annapurna du démontage matérialiste, à savoir la foi, phénomène d'aliénation majeur, s'il en est.
Alors, en bon républicain laïc (et laïcard tendance Petit Père Combes en privé, vous voyez ?) en public chacun fait ce qu'il veut de son temps personnel. Certains c'est le point-de-croix tendance tableaux avec des biches au-dessus de la cheminée, d'autres la course à pied ou la chronique littéraire (cocher la bonne case), quand certains préfèrent s'adonner à la croyance qu'une femme a pu enfanter vierge et que le ramassis de fadaises écrit par un groupes d'homme d'il y a 2000 ans, sur un phénomène qu'ils n'ont pas vu et que d'autres leur ont raconté à trois générations d'intervalles (vous savez, l'homme-qui-a-vu-l'homme-qui-a-vu-l'homme-qui-a-vu-l'ours) pourrait avoir une influence cardinale sur leurs vies. Pourquoi pas ? On est libre, non ? C'est la force de la république (c'était la minute chevenementiste).

Alors, le rapport avec ce bon Raymond ?
Eh bien, c'est pas parce que on évacue la religion et la transcendance comme hypothèse de principe, qu'on ne se pose pas de questions, hein. Sur le sens de l'existence, sur le pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien et pourquoi reste-t-il toujours une chaussette toute seule à la sortie de la machine à laver ?
Et c'est là où le complotisme apparait. Vous savez cette mauvaise habitude qu'ont certains de toujours voir une main invisible derrière tout, une grande manipulation, une intention malveillante. Le complotisme c'est le (possible) opium de l'athée. Elle transfère l'omnipotence divine sur un petit groupe d'hommes, cachés. L'instance visée n'est plus la même, mais c'est le même mécanisme.
Le complotisme c'est ce qui donne du sens lorsque celui-ci a déserté la religion.
Et comme le complotisme explique tout, il permet tout.
Le groupe de Bildeberg, la zone 51 et les petits gris, les attaques contre le world trade center, les américains qui ne sont pas allés sur la Lune (et la terre creuse), l'assassinat de Kennedy, bientôt la disparition du vol MH 370, le trésor de Rennes-le-Château, l'Atlantide, les Francs-maçons et les Rose-Croix, les Cathares et donc, bien sûr, in fine, les Templiers. En matière d'ésotérique du complot, toute commence et finit avec les Templiers. Le templier est l'alpha et l'oméga du secret caché. C'est même un critère pour juger de la santé mentale (dixit Umberto Eco dans Le Pendule de Foucault, mais j'en reparlerai plus tard).

Le problème avec le complot c'est que, parfois, il y a des choses de vrai, tendance il n'y a pas de fumée sans feu... (l'adage préféré des complotistes de tous poêles), mais ça bien malin qui saura le débrouiller. Alors entre les vrais fous, les illuminés (non, non, je n'ai pas dit les Illuminati), les escrocs, les naïfs, ceux qui savent vraiment quelque chose et la mauvaise foi éhontée de ceux qui les contredisent (trop facile d'accuser de révisionnisme), bien malin celui qui pourra en savoir un peu plus.

C'est pour cela que je sacrifie épisodiquement et rituellement à la lecture d'un roman ésotérique. Comme le bonheur de tomber dans un paquet de fraises tagada. Appelons-le comme ça, à défaut de vraiment pouvoir caractériser l'ouvrage de R. Khoury. Parce que c'est quand même un vrai mauvais livre. Allez, allons plus loin, une bouse.

La grande force du livre c'est une scène d'exposition assez évocatrice. Je ne parle pas du style Khoury (hein ? quoi ?), mais bien du pouvoir puissamment cinégénique de celle-ci.
L'histoire : lors d'une exposition à NY d'objets rares sortis des caves du Vatican (rendors-toi, Gide), quatre hommes affublés d'une tenue de Templiers traversent à cheval Central Park, décapitent un gardien pénètrent dans l'exposition (toujours à cheval et en pleine inauguration) renversent tous les objets et, au milieu, en prennent un. Témoin impuissante, Tess Chaykin (que je n'ai pu imaginer autrement que sous les traits de la délicieuse Tricia Helfer, ne me demandez pas pourquoi, c'est comme ça. Je vais consacrer un jour un post à la représentation physique des héros littéraires) comme par hasard archéologue désœuvrée de son état et en manque de reconnaissance parce que fille de son père, archéologue réputé, lui, va mener l'enquête, parfois avec l'aide de Sean Reilly, l'inspecteur catholique et parfois contre lui (voire tout contre, parce que catho mais pas abstinent non plus).

Si, si, il a osé.

Alors ça se bat de tous côtés, sur tous les continents, avec un irréalisme dans l'enchainement des situations et des causalités qui ferait pleurer de honte un scénariste de film porno.

Bon tout ça c'est pas bien grave.
Sauf que le méchant (oui, je spoile, c'est comme ça) c'est un ancien collègue de Tess qui veut récupérer un document caché par les templiers (le journal intime d'un nommé Jésus rédigé en -1 avant lui-même, himself) afin de révéler au monde la malhonnêteté de l'église, parce que pauvre scientifique, il avait obéi au prêtre, avec sa femme, alors qu'ils voulaient avorter. La mère et l'enfant en étaient morts sur le coup et depuis il avait compris que l'église c'était du pipeau et des méchants.

Bon, bon, bon, c'est bien tout ça. Le problème c'est que tout les arguments du méchant sont piqués au coin du bon sens et que ceux des gentils sont navrants de culculterie la praline, digne d'une PrayerTV à l'américaine. Alors il y avait d'intéressant l'hésitation de ladite Tess qui s'allie un temps au méchant parce que la science toussa toussa. Mais à la fin non, il vaut mieux laisser toutes ces informations dormir en paix pour l'éternité. Et de jeter le carnet rédigé en araméen à l'eau, parce que, vous savez ma bonne dame, l'église a fait tant de choses pour le bien de l'humanité, qu'il ne faudrait pas jeter des hordes de croyants incapables de penser par eux-mêmes dans le désespoir. De découvrir que Jésus n'est qu'un homme parmi les autres, et que l'Église le sait depuis toujours (ah ! les bons méchants bien pratiques...).

Alors moi je dis que là, à ce niveau, j'ai presque du respect pour celui qui ose pondre un truc pareil. Et que la fondation pour la libre-pensée a encore un peu de boulot. Je ne crois pas que je vais lire la suite.

Conclusion : Les DaVinciConneries, c'est bon comme une indigestion de bonbons. Tout le plaisir du sucré, et après la crise de foi(e).



à qui l'offrir

- euh ?


Si vous vous voulez du complotisme de meilleure eau




Le pendule de Foucault d'Umberto Eco. Tout y est : la fascination du grand secret, sa dénonciation, la mise à nu du mécanisme... et surtout un grand roman. Il faut juste dépasser les 80 premières pages du poche, un peu arides.







L'excellent roman de Antoine Bello Les Falsificateurs, passionnant complot,  jouant sur la mise en abime du complot.










Dans le registre, le Da Vinci Code n'est pas si mal, somme toute, et en plus il y a un peu d'art, alors...














La synarchie, le mythe du complot permanent, d'Olivier Dard. Pour se soigner, un ouvrage historique passionnant.







Commentaires

  1. Ah que j'ai ri en lisant cette chronique. Je l'ai lu (dans le train, un environnement qui à soit tendance à me faire abaisser mes critères soit, au contraire, à être omnichiante) et la fin, la FIN ! Mais ... pourquoi ? Désagréable impression de m'être traînée sur toutes ces pages fadasses pour rien. Bouh que ça m'avait agacée. Vu que le précédent du même monsieur ne m'avait point trop passionnée, je passerai mon chemin pour la suite :) (mais je note les suggestions "meilleure eau").

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  2. Merci de ton passage (j'ai bien ri à l'écrire aussi !)

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