Raimbow Warriors - Ayerdhal





Bon, comment dire, cela commence à faire...
Je crois que je me suis trompé sur ma perception de l’œuvre d'Ayerdhal.
Ma chronique traine dans les brouillons depuis plus d'un mois et je ne sais pas par où la prendre. Il y eut la version très détaillée où j'expliquais avec précision pourquoi je pense que Raimbow Warriors est un roman raté. Et puis je me suis même ennuyé à la rédiger et à la relire, c'est dire.
Et puis voilà, sans rapport, je découvre deux blogs que j'ai pris un infini plaisir à lire.

Le journal extime de Cyrille
et
Alors voilà de Baptiste Beaulieu.

C'est confondant de lisibilité, un vrai bonheur. Je vous les recommande chaudement. Il n'ont pas grand chose à voir l'un avec l'autre, si ce n'est un plaisir de lecture évident. Que ne donnerais-je pour exprimer un ressenti, une idée, une image avec une telle impression de facilité (c'est la force de l'art, savoir se dissimuler...) ! Tiens, si je m'écoutais, je serais jaloux.

Bref, en la relisant, ma première rédaction m'a paru ampoulée, lourde. Illisible.

Bon, alors, par où commencer ? Je vais essayer de faire court sans être lapidaire, mais je ne garantis rien, parce que des fois, ce roman il m'a tellement énervé que j'ai envie d'expliquer précisément pourquoi. Mais ça va prendre trois plombes.

Il faut d'abord commencer par dire que ce roman est paru alors que nos concitoyens s'écharpaient à coups de "un papa, une maman" d'un côté, et "espèces d'homophobes" de l'autre... Ayerdhal dit clairement son positionnement sur cette question. Je crois même que c'est ce débat (ou de ce qui en a tenu lieu) qui qui l'a poussé à écrire ce roman. Enfin je dis ça, j’interprète, parce que j'en sais rien en fait, mais c'est l'impression que cela me donne.

Pourquoi pas ? Au nom de quoi, finalement, le héros doit-il être forcément hétéro ? C'est sûr qu'il y a toute une iconographie, en fantasy par exemple, qui a pu renforcer une hétérosexualité des personnages... Tiens, par exemple, au hasard Frazetta.

Alors donc dans ce roman choral, les héros sont LGBT et quittent, qui leur bar gay, qui leur tables à dessins de vêtements (et on n'en saura pas beaucoup plus) et s'en vont envahir le petit pays qu'est le Mambésie, odieuse patrie qui a le mauvais goût de maltraiter les LGBT.
Nous partîmes 10 000... et nous arrivâmes en secret... (bien sûr 10 000 personnes qui abandonnent leurs occupations sur la planète, personne le remarque, je dis ça je dis rien). Cette petite armée secrète, s'entraine donc secrètement, mais bénéficie quand même d'un concert privatif par les grandes stars qui soutiennent le projet qui vont s'y afficher secrètement ?

Mouimouimoui...  En termes de plausibilité, on repassera.


En fait, le problème n'est pas le postulat de départ, mais plutôt la la cohérence intradégiétique de l'histoire (j'aime bien le caser celui là). Le vrai problème de ce livre c'est que rien ne tient lorsqu'on y regarde d'un peu plus près. Ou alors c'est une parodie, registre La folle histoire de l'espace ou H2G2, mais bon ce n'est pas vraiment le style de l'histoire. Parce que si c'est ça, c'est pas grave, je passe mon tour, car je n'aime pas les parodies. Je n'ai rien contre les éléments parodiques dans une histoire, mais celles qui ne sont que des parodies m'ennuient.
Disons que ce n'est pas une parodie, parce que je ne crois pas que c'en soit une.

Zut ! je me rends compte que j'ai oublié de mettre l'histoire :

L'histoire : Le général Geoff Tyler est discrètement contacté par l'ex-secrétaire général des Nations-Unis pour mener une guerre privée au Mambesie. Il renversera ce pays particulièrement peu regardant sur droits des LGBT, à la tête d'une armée de 10 000 gays, lesbiennes, bi et trans...

Alors c'est quoi l'idée du livre ?

S'agit-il de montrer que les LGBT sont des héros comme les autres ?
Pourquoi pas, mais je n'ai pu m'identifier à aucun de la poignée des personnages.
Trop vite croqués, vite réduits à un ou deux traits de caractères presque caricaturaux, mais pas trop, aucun n'est vraiment sympathique, ni antipathique d'ailleurs, mais surtout ils n'arrivent pas à avoir vraiment d'épaisseur psychologique. Passé la phase d'exposition qui fait immanquablement penser aux séquences de films américains où les héros recrutent leur bande, succession de plans où on les voit parler avec les nouvelles recrues qui acquiescent tous sur une bande son muette et musicale (genre Ocean's eleven ou encore X-men : First Class), pas grand chose à se mettre sous la dent.
Alors il y a un con, qui l'est de toute éternité et qui le restera jusqu'au bout du livre (pas de pitié pour les cons), mais bon, les gentils vraiment gentils et les cons vraiment cons, moi ça ne me botte pas vraiment... Il y a un petit côté les-cons-c'est-pas-nous, limite mépris qui me rappelle l'arrogance qui me déplaisait déjà ici. Il y a aussi un super tireur de super-élite. Comme le dit si justement Agathe Goodall dans la seule chronique que j'ai pu trouver qui ne soit pas totalement dithyrambique, tous les héros sont badass à tel point que c'en est fatiguant et surtout, pas crédible jusqu'à la fin.
On passe sur Jean-No, folle perdue totalement improbable qui fait une resucée du sketch de Palmade sur la couleur des uniformes (bien sûr il est lu le soir par le général qui annote positivement, bien sûr, ses rapports sur la tenue militaire) et qui débite des sornettes pédagogiques (pages 316-317 : j'en avais fait une critique précise et assassine parce que cela tombe comme un cheveu sur la soupe du roman, sans nécessité avec la progression narrative, à tel point que je me suis demandé si c'était encore la voix du narrateur, ou si ce n'était pas malgré tout la voix de l'auteur qui débordait pour nous donner son avis sur un sujet qui n'a pas grand'chose à voir avec l'histoire. Et pour le coup, je redis : sornettes pédagogiques).
Et puis il y a Pilar, la seule agent de contre-espionnage des gentils qui fait face à seulement 6 agents envoyés par les services secrets du monde entier (il a déjà écouté Rendez vous avec X l'auteur, là aussi ?). Pilar, elle voit tout, elle sait tout (comment ? mystère...). Alors oui, je sais, c'est une resucée, un avatar d'Anne X (Transparences), mais bon, là encore, j'ai un peu de mal à croire à ce personnage et, en fait, à tous les autres. Ils sont figés comme des caricatures. Les gentils sont gentils et les cons sont cons, aucun n'évolue, très peu pour moi.

S'agit-il de plaider pour une nation arc-en-ciel, eldorado LGBT où ceux-ci seraient particulièrement protégés ainsi que leurs vies et amours ? Pourquoi pas, cela fait un objectif de combat original et intéressant littérairement parlant. Mais il est oublié en rase-campagne dès que le débarquement au Mambésie se fait. Il n'est plus jamais question par la suite de ces objectifs en tant que tels (sauf dans un court chapitre sur la déposition des chefs dans une perspective de contre-pouvoir permanent, sur la fin de l'ouvrage). Quid de l'influence, des répercussions sur le monde d'une telle opération pro-LGBT ? Là il y avait à mon sens quelque chose à gratter. En dehors des réactions des consortiums privés de leurs juteux contrats, réactions logiques et violentes mais qui fournissent l'essentiel de la deuxième partie de l'ouvrage, on n'en entend plus parler. Tant pis.

Pour finir Raimbow Warriors est un livre qui ne sait pas vraiment où il va, à tel point qu'il ne va... nulle part en fait. Ou bien il s'agit d'un thriller et il manque de crédibilité et finit à mon sens en eau de boudin, ou bien il s'agit d'une parodie et il manque sérieusement d'humour.

Bref, ce livre clôt temporairement ma découverte de l'œuvre d'Ayerdhal. Cela fait trop de livres où je vois plus les défauts que les qualités : Bastards, Demain une oasis et maintenant Raimbow Warriors. J'y reviendrai, et probablement via le cycle de l'Homéocratie, parce que, malgré tout ce que j'ai pu dire, Ayerdhal a une vraie plume. Mais plus tard.


À qui l'offrir

- À Frigide Barjot bien sûr !


Si vous avez aimé Raimbow Warriors, vous aimerez peut-être


- les autres ouvrages d'Ayerdhal et surtout Transparence, le meilleur à mon goût de tous ceux que j'ai lu.








- À la pointe de l'épée, où tous les personnages sont bi ou homosexuels. Avec une plume particulièrement travaillée, Ellen Kushner décrit un monde parallèle avec une évidence confondante.








- L'ambiance africaine de Raimbow Warriors m'a à plusieurs reprises évoquée celle décrite dans Aqua tm de Jean-Marc Ligny, roman qui souffre du même défaut que Raimbow Warriors : un roman choral mais où quelques personnes contrôlent tout.

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