Luminary - Luc Brunschwig et Stéphane Perger


Il y a ceux qui connaissent Taddeus Tenterhook et il y a les autres.

Pour les autres qui roderaient parmi nous, Taddeus, c'est d'abord le plus grand guignard que je connaisse.

A côté Peter Parker c'est le BG du campus et Rémi le populaire de la bande. Limite, il y a que Hutchi-le-petit-prince-orphelin qui peut lui en remontrer dans le registre de la loose (ça y est, ceux qui connaissent commencent à comprendre).

D'abord avec un blase pareil tu peux porter plainte contre tes parents. Ah bah non, tu peux pas, tu es orphelin. Et puis avec ton physique t'as pas d'ami. Oui, parce que non content d'être un cumulard de la poisse Taddeus est en plus bossu. Et comme il a intériorisé tout ce malheur, il encaisse en silence les railleries et moqueries des étudiants qui le harcèlent.

Bref, Taddeus, c'est le king de la loose.

C'est le caractère de Caliméro, Peter Parker en vie sociale et les jérémiades de Scott Summers avant d'avoir emballé Jean Grey... Pourtant lorsqu'il se trouve être bombardé par un rayonnement intense de lumière, Taddeus se transforme en un être de lumière surpuissant, Photonik

Photonik vit des aventures de dingues : il affronte des vampires, il récupère une gemme extraterrestre, il est transformé en pile dans une soucoupe volante, il doit faire face à un requin géant de la taille d'une ville, il meurt et ressuscite dans un jeu d'échecs géant lors d'une chasse du comte Zaroff nazie.
J'ai appris à jouer aux échecs à 10 ans parce que cela a sauvé le professeur Ziegel (l'acolyte de Photonik) dans cette histoire qui m'a fait découvrir les persécutions contre les Juifs et la nuit de cristal, bien avant de les rencontrer en cours d'histoire. Et J. K. Rowling s'est inspiré de cette partie d'échec pour la scène finale de son premier Harry Potter... Photonik c'est le super-héros méconnu avec des histoires ahurissantes.

Et Marvel peut aller se rhabiller. Parce que Photonik est français. Oui, madame, Français ! Pour ceux que cela intéresse il y a l'excellent Nos années Strange de Jean-Marc Lainé et Sébastien Carletti.


Dans la toute petite confrérie de ceux qui révèrent Ciro Tota et Jean-Yves Mitton (créateur et dessinateurs de Photonik), il y a Luc Brunschwig. Il aurait dû suppléer à l'équipe des fondateurs et puis Lug a fermé. C'était au milieu des années 90.

Il traine ainsi un désir inassouvi de Photonik depuis 25 ans. Un rendez-vous raté. En 2019, avec la bénédiction de Tota, Brunschwig réécrit l'histoire de Photonik et publie le tome 1 de Luminary


Taddeus s'appelle désormais Darby McKinley (ouf). Rejeté par son père parce que bossu et responsable de la mort de sa mère à la naissance, il est repéré pour participer à son insu au programme militaire Samash de création de super-soldats. L'expérimentation réussit trop bien. Elle vitrifie l'hôpital et ses occupants. 
Sauf deux personnes : Darby et une junkie qui subissaient le traitement censé redonner forme humaine à leurs squelettes. Ils en sortent transformés. Le président Carter, pour cacher l'existence de Samash accuse les Black Panthers. Cette accusation déclenche une série de lynchage contre les noirs alors que le pays est à feu et à sang, traversé par la haine raciale qui structure les années 60-70.

Une deuxième ligne narrative suit Bill, jeune garçon noir qui a le pouvoir de communiquer avec les animaux. Après avoir échappé à un lynchage en règle par le Klu Klux Klan, le jeune Bill se retrouve avec les Black Panthers. Bill et Darby se rencontrent à la fin du tome 2, tout juste publié fin 2020.

Profondément ancré dans la réalité sociale de l'histoire américaine et dans la contemporanéité la plus dure de la condition des Noirs, Luminary est une vraie réussite entrelaçant uchronie et réalisme social. La narration prend son temps (trop ? combien de tomes et de temps ?). Les jaunes flamboient dans des planches gigantesques et la réalisation est parfaitement maitrisée.

Bref une réussite.

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