La matière noire, à la recherche de la plus grande inconnue de l'Univers (Alberto Casal Gonzalez)


C'est le 5 ou 6e ouvrage d'astrophysique lu en 2 ans et pour la première fois je dis "enfin !".
J'ai dû lire deux fois La réalité cachée de Brian Greene en peinant à chaque ligne, je n'avais pas retenu grand chose du Sahara vient des étoiles bleues de Jean-François Becquaert ainsi que de la Balade en cosmologie d'Aurélien Barrau ou encore des conversations entre Jean-Claude Carrière et Thibault Damour.
Il y a un mois parait une série d'ouvrages vendus en presse Voyage dans le cosmos marquée par la figure tutélaire d'Hubert Reeves. Cela sentait l'ouvrage de vulgarisation pour ceux qui n'y connaissent rien, mais à 4 euros, je ne risquais pas grand-chose. Une énorme coquille typographique sur le cartel de présentation laissait présager le pire.
Et là, divine surprise ! Malgré l'impossibilité de trouver la date du texte en langue originale, ainsi que la difficulté à identifier l'auteur réel du texte (Hubert Reeves n'a assuré que la présentation de la collection, malgré son obsédante figure réitérée sur les couvertures), La Matière noire est un petit bijou de pédagogie.
Premier parmi tous les livres qui précèdent, La Matière Noire réussit à donner les clés de la connaissance astrophysique, le "comment sais-t-on ce que l'on sait ?" En expliquant comment fonctionnent les lois de la physique, Alberto Casal permet d'appréhender les enjeux majeurs de la recherche en cosmologie en nous les expliquant de manière à les comprendre. Maintenant je sais comment on pèse les galaxies et comment on arrive à prouver l'existence d'une matière noire que l'on ne trouve toujours pas.
Rien que pour cette démarche d'explicitation qui se met à hauteur du lecteur curieux, matheux mais pas trop, cet ouvrage est une petite merveille !

Alors, certes, il est fort probable que cette lecture ait été facilité par ces autres ouvrages, qui ont ainsi essuyé les plâtres de mon ignorance.

Malgré tout, La réalité cachée souffre d'une traduction qui peine à s'abstraire de la syntaxe anglaise.
Et si la volonté pédagogique est évidente, la tournure de pensée manifestement anglo-saxonne ralentit la compréhension. On a toujours l'impression que Brian Greene prend les phénomènes par sa face la plus aride et difficile. Il faut une détermination sans faille pour aller au bout de l'ouvrage malgré des premiers chapitres plutôt accessibles.




Inversement, Balade en cosmologie est un drôle de livre. 
Volontairement court, il ressemble plus à l'autobiographie intellectuelle d'Aurélien Barrau qu'à une initiation à la cosmologie à proprement parler. Il brosse un tableau un peu impressionniste de son parcours avec, ponctuellement, des plongées conceptuelles très denses. Pour souffler et pour montrer la cohérence d'un parcours intellectuel buissonnant, Aurélien Barrau tire des concepts et montre les liens profonds qu'il tisse avec la philosophie et les arts. Les dettes intellectuelles sont revendiquées ainsi que les amitiés célèbres, dans un léger excès de name-dropping seulement sauvé par la sincérité du propos. Mais finalement, pour celui qui veut s'initier à la cosmologie et en comprendre les processus, on peut avoir le sentiment de rester sur sa faim.


Le Sahara vient des étoiles bleues apparaît comme l'ouvrage finalement le plus accessible (après La matière noire) où, dans un véritable effort pédagogique Jean-François Becquaert arrive à faire le point sur les connaissances en cosmologie, tout en sachant garder la bonne hauteur de vue pour un lecteur non spécialiste. 
Bon, parfois ça pique un peu. Si son explication du cycle de fabrication de la matière par la nucléosynthèse au cœur des étoiles est particulièrement claire et donne tout son sens au titre, en revanche, au milieu de l'ouvrage, le texte s'infléchit, il se courbe, tel l'espace-temps, et là cela devient particulièrement corsé à suivre quand on regarde cela de l'extérieur. L'auteur nous avertit que le chapitre suivant va être, peut-être, compliqué... Euh, camarade, cela fait déjà 30 pages qu'on est surchauffe neuronale, hein !. Les derniers chapitres assument et développent les conclusions métaphysiques de l'état de l'art en astrophysique. Ils ne laissent pas de nous interroger sur l'infinité des mondes co-présents pour toujours et à jamais.
Qui sommes-nous, si nous sommes multiples dupliqués à l'infini, à l'identique et infiniment divers dans tous les mondes qui s'ébauchent, vivent et meurent à l'orée des univers lointains ? Tous les possibles ont déjà eu lieu, ont lieu en ce moment même, auront lieu à l'autre bout des univers. Tous nos "moi", des plus misérables au plus grandioses réalisent tous les possibles. Nous ne sommes qu'un de ces avatar...
Enfin, l'auteur fait des parallèles longs et précis avec les différentes mythologies mondiales qui expliquent l'univers, et notamment dans une belle annexe qui recense les mythes des principales constellations. Les ponts entre les plus récents et les plus anciens savoirs cosmogoniques sont parfois éclairants. Jean-François Becquaert écrit d'une plume très personnelle, parfois un peu alambiquée, mais finalement assez poétique. Ces incises sont courtes et donnent une tonalité assez particulière à son texte.

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