Une logique de la communication - Paul Watzlawick, Janet Helmick Beavin, Don D. Jackson




Il est des livres qui changent la vie.
La vie qu'on a, l'idée qu'on s'en fait, les idées que l'on se fait.

Des livres qui bouleversent intégralement notre paysage mental, la couleur des idées, l'architecture intime. Comme si le mur aveugle sur lequel se heurte notre pensée accueillait une nouvelle fenêtre.

J'ai lu ce livre il y a plus de vingt ans et ses effets sont toujours brûlants. Il est l'un des piliers de ma weltanschauung (ceux qui ne savent pas chercheront).

Les auteurs affirment que nous sommes des êtres de communication, que "nous ne pouvons pas ne pas communiquer". Et que, à défaut d'accéder à la boite noire (exit la psychanalyse, non pas critiquée, mais évacuée, parce que son postulat est invérifiable), il est en revanche possible d'accéder aux items des séquences de communications. Tous les items.

Et d'élaborer ainsi une pragmatique de la communication. Ils montrent ainsi que les groupes de communication fonctionnent comme des ensembles homéostatiques (ou, plus simplement, comme des vases communicants) et que lorsque l'un baisse, l'autre remonte : les conséquences dans l'analyse du fonctionnement des groupes (on fait groupe dès qu'on est deux...) sont proprement abyssales entre dévoilement des mécanismes d'apparition de symptômes de maladie mentale, ou encore mise en œuvre de schéma de type bouc-émissaire, dominant-dominé etc.
Bien loin de toute analyse essentialiste, on voit comment la communication entre les individus, par une grammaire qui lui est propre, nous mène à endosser des rôles, des postures, indépendamment de tout référence à une quelconque personnalité. Les exemples sont issus de leur pratique ainsi qu'à la pièce "Qui a peur de Virginia Woolf". Ils montrent comment sortir des double bind, ces situations ingérables lorsque nous sommes soumis à des injonctions contradictoires, notamment par le fameux "prescrire le symptôme".

Déstabilisant, réjouissant, un peu "trapu" à la lecture parfois mais cela est surtout dû à une typographie et un corps de texte peu facilitateurs, ainsi qu'à une titraille de type "1.1.3." donnant l'impression de lire un polycopié de fac, mais cela est de peu d'importance eu égard aux flammes qu'allument dans les têtes ce texte hautement libérateur.


L'homme-dé de Luke Rinehart fait clairement écho à ce texte de l'école de Palo-Alto.


Si vous avez aimé Une logique de la communication vous aimerez peut-être :

Les autres ouvrages de Paul Watzlawick, qui a poursuivi le filon éditorial avec des titres aussi réjouissants que L'invention de la réalité, Faites vous même votre malheur, Comment réussir à échouer : Trouver l'ultrasolution...





Les Mots, la mort les sorts, de Jeanne Favret-Saada. Dans un texte époustouflant (qui méritera une chronique à part entière) de rigueur et de profondeur intellectuelle Jeanne Favret-Saada décrypte des mécanismes en œuvre au plus profond de la psyché. Des mécanismes qui mobilisent et expliquent ce qu'on appelle traditionnellement "la sorcellerie" et qui, bien à rebours des images d’Épinal et des sourires en coins du genre "c'est loin de chez nous et puis cela n'existe plus" montrent la puissance des mots et le pouvoir de certaines situations... de communication.

Les deux ouvrages sont absolument complémentaires et passionnants.


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