Person of interest ou De la valeur prédictive des séries US




L'histoire : un SDF est attaqué dans le métro. Il se défend comme seul un homme surentrainé peut le faire. Arrêté, il s'échappe alors que le détective Carter s'intéresse à lui. Il est alors retrouvé par un certain M Finch, milliardaire boiteux qui lui propose un deal. Ce dernier est l'inventeur d'un système informatique qu'utilise l'état dans sa lutte anti-terroriste. Ce système écoute et enregistre tout le monde, tout le temps en mobilisant l'intégralité des ressources de vidéosurveillance. Il est à même de prévoir, par l'analyse des contenus, les attentats à venir. Mais l'État laisse de côté tous les meurtres de droit commun, pour ne pas reconnaître qu'il utilise un système liberticide. M Finch a conservé une back door, un accès discret au système qui lui permet de connaitre l'identité d'individus qui vont être impliqués dans un meurtre dans les 24 h.
Mais victime ou criminel ?
M Finch et M Reese, qui agissent en bons samaritains tant ils semblent avoir de casseroles à se faire pardonner, n'ont que 24 h pour intervenir...

Après les 13 premiers épisodes, la série a été prolongée de 6 épisodes puis une nouvelle saison est en cours de diffusion à l'heure actuelle. D'un point de vue de l'écriture scénaristique, la première saison souffre de ces 6 épisodes supplémentaires et il y a un léger flottement dans les orientations que semblent vouloir donner les créateurs de la série.

Person of interest navigue ainsi entre plusieurs arcs narratifs : chaque épisode voit la recherche et l'empêchement d'un crime par les deux protagonistes, la traque du détective Carter envers M Reese court sur plusieurs épisodes, les flashbacks sur le passé de M Reese (qu'a-t-il donc à expier ?), qui est donc M Finch ? et comment en est-il arrivé là ?
On y croise un flic ripou pas si désagréable, un méchant très méchant, une faction de flics mafieux et les anciens employeurs de M Reese (la CIA comme toujours)... Jim Cazeviel, rescapé du pas terrible Prisonnier nouvelle manière, et Michael Emerson enfin sorti de son île perdue offrent une prestation assez en retenue, presque trop, dans leur jeu de chat et de la souris. C'est auquel des deux percera les secrets de l'autre le premier. Eux pour qui les secrets d'autrui n'existent plus. Eux qui écoutent les téléphones portables, piratent les banques de données et violent l'intimité des gens comme moi je me sers un café. Mais c'est pas grave, c'est pour le bien des gens, alors on peut. Les secrets d'autrui c'est leur vraie passion.
C'est ainsi que l'on peut rapprocher Person of interest de deux autres séries qui la précédent. Tout d'abord, Burn Notice à laquelle POI emprunte la typologie des caractères (personnage féminin rigide, buddy cool et personnage principal coincé) ainsi que l'usage des techniques des services de renseignements appliqué à la société civile, aux enquêtes criminelles, mais toujours pour le bien des pauvres victimes... Elle partage également cela avec la série emblématique des années 2000 : 24h chrono. Le mythe de l'homme providentiel qui vient sauver la société et les individus qui la composent, incapables de se défendre. Homme providentiel qui peut tout et qui donc se permet tout avec une bonne conscience ahurissante. Faire le bien d'autrui selon sa propre conception et ce aux dépens des règles qui protègent l'individu et ses libertés est un classique de la narration audiovisuelle américaine. Il faut protéger les gens qui sont incapables de se défendre et s'il le faut, on écoute, on torture parce qu'on est du côté des gentils....




La parenté avec 24h chrono est cependant plus importante, elles partagent une qualité plus rare. Elles créent des réels possibles. Je suis intimement convaincu que 24h chrono a activement participé à l'élection de Barack Obama en montrant, plusieurs années auparavant, un président noir. Un président dont la couleur de peau est un non-sujet (cela avait été fait avant à ma connaissance seulement dans le navetissime Deep Impact ou Morgan Freeman trônait à la Maison-Blanche, mais c'était de la science-fiction). Il est paradoxal de dire que une des série les plus rétrogrades ait permis l'élection d'un président démocrate et noir. Pourtant, et ce indépendamment de tout débat politique, le simple fait de le montrer comme possible et surtout comme une évidence a, à mon sens, fait sauter un verrou dans l'esprit des téléspectateurs (et donc électeurs) américains.
POI présente pour sa part comme une évidence que tout un chacun est écouté, filmé et analysé en permanence et ce sans aucun contrôle. Au détour d'une phrase, M Finch reconnait qu'il était trop compliqué de créer la base de données de tous les individus existants. Il eut alors l'idée de créer les réseaux sociaux afin que chacun alimente volontairement le système qui analyse les liens et rapports entre les individus...
POI est en ce sens malheureusement prémonitoire et participe à l'habituation de l'idée que, pour notre bien, il faut accepter de voir nos libertés fondamentales bafouées. Comme l'idée que la torture pouvait se justifier dans 24h chrono (pour sauver sa fille, sa femme, l'état et le monde en passant... comment ça Guantanamo n'est toujours pas fermé ?).

On est loin, très loin, de La Question de Henri Alleg et du Prisonnier, celui de Patrick McGoohan qui dénonçait un état totalitaire avec des caméras de vidéosurveillance et micros omniprésents.
Maintenant on essaie de nous les faire gober comme un divertissement.

Bon, quand est-ce qu'elle passe la saison 2 ?

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