Les parents de Stanley Kubrick
Je ne sais pas ce que lui ont fait ses parents mais Stanley Kubrick leur fait chèrement payer.
Entendons-nous bien, je ne suis pas un spécialiste de Stanley Kubrick, je n'ai même pas vu tous ses films. Je n'ai pas lu les ouvrages que Michel Ciment lui a consacré.
Si ça se trouve je suis en train de réinventer l'eau chaude ou de découvrir quelque chose que les kubrickophiles connaissent depuis longtemps.
Pour ma part, je fais partie de ceux que 2001 l'odyssée de l'espace sidère tant l'impression, au sens littéral du terme, qu'il me laisse est forte (on est moins nombreux d'un coup, non ?). Après je peux comprendre la sensation d'hermétisme et de ne pas réussir à entrer dedans.
Mais bon ce message n'a pas pour but d'expliciter ma dévotion à 2001 mais à s'interroger sur un aspect mineur mais néanmoins récurrent de l'œuvre du grand Stan.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la peinture qu'il fait des relations parents-enfants est proprement terrifiante.
Expliquons un peu. Au début des années 90 Orange Mécanique ressort en salles et je le vois pour la première fois. Je m'attendais à quelque chose de terrible dans l'exhibition de la violence et dans le propos. Alors oui, c'est violent, mais finalement pas tellement plus que ce que nos petites prunelles voient quotidiennement sur les écrans. Pas de quoi fouetter un chat à côté d'un déjà daté Seven (pas encore sorti à l'époque) ou d'un actuel, et nauséabond, Esprits criminels. En tout cas largement moins insupportable que la complaisance perverse de la série des Justiciers de Charles Bronson par exemple, et pas tellement plus jeune. Le personnage qu'incarne Malcom McDowell est un énième avatar de méchant à la fois responsable et irresponsable, fruit de la société de son temps. Je ne vais pas entamer le laïus de la violence de la société envers le personnage car ce n'est pas mon propos.
Non, ce qui me sidère c'est l'ahurissante bêtise crasse, la vulgarité stupide, l'aveuglement sidérant, bref, désolé du terme, la plus abyssale connerie possible incarnée par les parents du personnage. De la méchanceté à l'état brut et inconsciente de l'être. C'en est presque un idéal-type. Il est même surprenant qu'il ne soit pas devenu encore plus méchant avec des parents pareils.
Cela pouvait n'être qu'anecdotique, mais en cherchant bien on trouve d'autre exemples. Dans 2001, deux autres exemples de rapports parentaux : le Dr Heywood Floyd, à peine arrivé sur la station orbitale appelle sa fille (incarnée par la petite Kubrick). Regardez bien la froideur et l'insensibilité du dialogue du personnage avec sa fille. Certes le propos de Kubrick est bien de montrer la déshumanisation de l'espèce humaine notamment par sa communication. Et cela va jusque dans la relation avec la petite fille. Si on analyse bien tous les dialogues du film (sauf l'interaction avec Hal) tous les personnages ne disent rien ou se livrent à un combat par les mots : la réunion pour dire aux scientifiques de ne rien dire (!), la rencontre avec les russes dans la même station orbitale, le vide sidérant de la conversation entre les deux astronautes qui se rendent sur la lune pour voir la preuve de l'existence d'une autre civilisation dans l'univers. Et ils parlent comme ça à ce moment là ? Toute communication dans le film semble placée sous le signe de l'affrontement ou de l'évitement. Mais je m'éloigne de mon sujet qui est la relation parents enfants dans l'œuvre de Kubrick.
Deuxième exemple, dans le vaisseau qui emporte Poole et Bowman vers Jupiter, Poole reçoit un message d'anniversaire de ses parents. Je veux bien admettre que les rapports sociaux ont 40 ans passés, mais franchement, avez vous déjà vu parents plus impersonnels et stupides dans l'expression de leur "bon anniversaire" à leur fils ? Chanter comme cela pour leur fils adulte (ce n'est pas le fait de chanter, c'est le fait de le faire aussi ridiculement, comme si Poole avait 8 ans). Ces parents renvoient directement à ceux d'Orange Mécanique.
Alors on pourrait dire que ce ne sont que des coïncidences. Mais chez Kubrick, control freak au dernier degré, pas de coïncidence.
Et puis regardons d'autres films.
Dans Shining, le personnage interprété par Jack Nicholson court tout de même après son fils pour le tuer à la hache !
Dans Lolita James Mason est coupable de pédophilie. Certes Nabokov en est responsable mais c'est bien Kubrick qui a choisi de filmer ce sujet.
Dans Eyes Wide Shut la fille de Millich (Leelee Sobieski) est prostituée par son père... On pourra dire que ce n'est qu'un détail dans le film, ce qui est vrai. Mais c'est un motif récurrent dans l'œuvre de Kubrick.
Et les autres films ?
Les autres films ?
RépondreSupprimerEt bien Barry Lindon : le fils de Barry meurt - accident de cheval - et Barry a des relations extrêmement tendues avec son beau-fils (scène où Barry perd ses moyens et corrige son beau-fils en public), qui finiront en apothéose dans le duel (certainement un des duels les plus incroyables du cinéma) de la fin du film.
Barry Lindon est aussi un des très grands films de Kubrick, en tous cas l'un des 3 que je préfère, avec 2001 bien sûr, et Eyes Wide Shut.
Merci de cette précision, il faut vraiment que je le regarde celui-là !
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